Méditation 2ème dimanche du temps ordinaire B – 17 janvier 2021
Évangile de Jean 1, 35-42
Mes clés !
Ce n’est pas une clé que ces lectures vont nous faire retrouver, c’est tout un trousseau !
« Appeler » revient onze fois dans la première lecture ! Si ça, ce n’est pas un mot-clé !
Dis-moi qui t’appelle, je te dirai qui tu es.
Encore petit et inexpérimenté, Samuel est cet enfant miraculé que sa maman a obtenu du Seigneur. Il dort dans le temple à Silo en Samarie. Il a même la place du chat : il dort au pied de l’Arche d’Alliance !
Par trois fois la nuit, il entend une voix qui l’appelle.
Il court vers Eli qui lui dit d’aller se recoucher.
Un mauvais point pour le prophète qui doit savoir que les appels de Dieu se font souvent la nuit quand l’homme a lâché prise et se trouve plus disponible à l’écoute.
La troisième fois quand même, le franc tombe dans le cerveau d’Eli ! Il conseille alors à Samuel de dire, si la voix l’appelle encore : Parle Seigneur ton serviteur écoute.
Voilà une très bonne clé : celle qui donne à l’autre le droit de parler.
La bonne attitude est celle-là : ne plus courir partout, mais rentrer en soi-même et se mettre à l’écoute de l’autre, du Tout Autre, de celui qui est plus intime à moi-même que moi-même. C’est au plus profond de mon cœur que Dieu réside et c’est là que je peux lui dire : Parle, j’écoute, puisque tu m’appelles.
Voyons maintenant l’Evangile. Il est souvent intitulé : « L’appel des premiers disciples ». Or nous constatons que le verbe « appeler » n’est pas cité une seule fois. Étonnant ! Voyons ça de près.
Jean-Baptiste est avec deux de ses disciples. Il voit Jésus aller et venir. Pas une seconde, il ne le quitte des yeux et suit ses allées et venues.
Encore deux belles clés : « le Disciple », c’est celui qui « voit », celui qui ouvre les yeux, qui suit son maître, discerne et va même, tellement son regard est éveillé, jusqu’à voir l’invisible : les choses et les personnes dans la profondeur de leur singularité.
Posant son regard sur Jésus, il dit : Voici l’Agneau de Dieu. Clairvoyance que celle de Jean-Baptiste !
L’Aimant est là ; Jean-Baptiste en est tout aimanté et ses disciples s’aimantent à leur tour et suivent Jésus comme des agneaux.
Le mot « apôtre » n’existe pas dans l’évangile de Jean. L’évangéliste ne connaît que le mot « disciple ». L’important pour lui, ce n’est pas la fonction que l’on remplit mais la qualité d’intimité que l’on a avec Jésus.
Jésus se retourne. Il voit les disciples le « suivre ». C’est clairement pour Jésus le signe que son Père est à l’œuvre : Nul ne vient à moi si le Père ne l’attire vers moi.
La force d’attraction, la voilà : l’Amour du Père dont Jésus est le révélateur. L’Amour du Père est la clé de la fécondité de la vie de Jésus et du disciple.
S’étant retourné, Jésus questionne : « Que cherchez-vous ? »
La première parole que Jésus prononce dans l’évangile de Jean, c’est donc une question.
Une question, c’est une clé qu’on tourne en espérant que la porte s’ouvre.
Une question, c’est une parole qui attend une réponse.
Jésus s’intéresse au désir profond qui nous habite.
Mais nous, savons-nous vraiment ce que nous voulons, ce qui serait pour nous le meilleur, le plus désirable, ce qui pourrait vraiment combler notre cœur ?
Aussi, comprenons que les disciples ne trouvent pas les mots pour le dire mais une question qui leur brûlait les lèvres, sort tout à coup : « Où demeures-tu » ?
À chacun ses clés, mais celle-ci pourrait bien ressembler à un passe-partout : l’important dans l’amour n’est-il pas de fréquenter celui ou celle qu’on aime et de lui dire : là où tu seras, je serai; là où tu iras, j’irai. Je veux demeurer avec toi.
« Demeurer », mot-clé de l’amour.
Jésus a reçu cinq sur cinq la question des disciples. Il l’a comprise dans son non-dit et en profondeur et sa réponse va dépasser les espérances les plus folles de ceux qui sont déjà sur le point de tout quitter pour le suivre : « Venez et vous verrez »
Ici, c’est carrément une double clé de compréhension de la vie relationnelle : une invitation à venir et à voir, à venir voir, et, pour voir, il faut d’abord nécessairement venir de telle façon que si l’on ne vient pas on ne verra pas, traduisons : on ne comprendra pas, on n’entrera pas dans le mystère des présences.
Et, bien sûr, de tout l’élan de leur cœur, ils allèrent et ils virent où l’Agneau demeurait et ils restèrent avec lui.
Ils se souviennent parfaitement de l’heure, c’était la dixième heure (quatre heure de l’après-midi) autant dire qu’ils ont passé ce jour-là du calendrier toute la soirée et jusqu’à la nuit près de l’Agneau de Dieu, au pied de l’Arche d’Alliance, près de l’Agneau immolé dont l’Amour nous a achetés à grand prix.
Ce sont des choses qu’on n’oublie pas, parce qu’elles ont bouleversé nos vies.
Munis de ce trousseau de clés, nous pouvons ouvrir les portes qui nous mènent au cœur de l’Eucharistie et de la vie du monde.
Au moment où nous sommes le plus privé de messe, aiguisons notre désir de ce rendez-vous intime que le Seigneur nous fixe et redécouvrons-le avec une foi renouvelée.
Nous entendons dire : C’était une belle messe ! Parce qu’il y avait des chants, de la guitare ou parce qu’il y avait beaucoup de gens ou parce que le curé a fait un beau sermon, ou parce qu’elle n’a pas duré longtemps…
Nous entendons moins dire : C’était une belle messe ! Parce que le Seigneur était là ! Il m’a parlé, il m’a invité à sa table et à demeurer avec lui toute la semaine, à lui confier tout de ma vie et à recevoir la sienne. Il m’a dit : « Demeurez en moi comme moi, je demeure en vous ».
Abbé Michel Diricq