Méditation 23ème dimanche ordinaire B – 5 septembre 2021
« Tout ce qu’il fait est admirable » !
Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en Décapote. Géographiquement, c’est un détour, et encore par la montagne. Mais Marc n’a cure de géographie. Ce qui l’intéresse ici, ce sont ces régions païennes ; il quitte l’une pour entrer dans l’autre. Jésus ne se meut pas seulement dans l’Eglise, il agit, plus que nous ne le pensons, au-delà d’elle. Sortons-nous de nos liturgies douillettes pour aller dans ces régions ?
Le détour s’explique encore par le désir de Jésus d’éviter les pharisiens avec lesquels il a eu maille à partir. Il se réfugie donc en ces régions à l’écart où, inconnu, il pourra se consacrer plus facilement à la formation de ses disciples.
Mais le téléphone arabe fonctionne… Voici qu’on lui amène un sourd-muet. Habituellement, Jésus guérit d’un mot : « Je le veux, sois guéri. » Ici, il prend le malade à l’écart, loin de la foule, il lui mit les doigts dans les oreilles et, prenant de la salive, lui toucha la langue. On ne sait trop comment expliquer ces gestes également connus des guérisseurs païens. Peut-être que, le sourd ne pouvant entendre, un geste plus ample était obvie. Utiliser la salive était alors courant, et nos mamans le font encore pour apaiser l’enfant qui s’est heurté le genou, le bras… Ces gestes rebutent les aseptisés que nous sommes, alors que les Pères de l’Eglise conseillaient aux chrétiens (on communiait encore sous les deux espèces) de prendre du vin consacré et d’en mettre sur les yeux et les oreilles.
Jésus lève les yeux au ciel comme pour implorer la force d’en-haut. Que Jésus soupire est moins un signe de pitié que de lutte : Jésus respire à fond, comme s’il prenait un élan, comme s’il devait faire effort contre le mal et contre tous ces endurcissements, ces oreilles volontairement bouchées, ces bouches volontairement cousues. Il y a de quoi soupirer !
Les miracles du Christ, faut-il le rappeler, sont avant tout des signes. Ce sourd est la personnification des Juifs sourds aux appels du Christ. Pire ! Ils se bouchent les oreilles (Mt 13,15). Quant au mutisme, il est volontiers lié à un manque de foi : Zacharie perd la parole parce qu’il a douté (Lc 1,20). Inversement, Dieu lui-même se tait quand nous ne voulons plus l’entendre. Le terrible silence de Dieu, si caractéristique de notre temps !
Mais ce sourd-muet incarne, bien plus encore et, cette-fois-ci, d’une façon positive, les païens venus à la foi, auxquels Jésus donne l’entendement du cœur. Marc, qui écrit pour des païens convertis, sait leur faire plaisir, et eux se seront reconnus dans le sourd-muet guéri, eux auxquels le baptême a délié la langue et a permis de “proclamer les louanges”. Tout à l’heure ils feront le chœur pour l’action de grâce.
Texte qui nous provoque : Nous sommes le sourd auquel Jésus dit : Ouvre-toi, ne reste pas boutonné dans tes refus, tes peurs, tes tristesses… Ouvre-toi aux tiens, au monde. Parle. Proclame. Pas de phrases. Que ta vie soit annonce.
Enfin et surtout, le signe manifeste qui est Jésus : il est le Messie, celui qu’Isaïe prédisait comme “ouvrant les oreilles des sourds” (première lecture), celui qui ouvre l’homme à Dieu. Jésus, par ces signes, fait un monde neuf, une nouvelle création, création que relèvent les mots du chœur : Tout ce qu’il fait est admirable ! et qui semblent directement inspirés du chœur de la première création : « Et Dieu vit que cela était bon. » (Gn 1,10-31)
Tiré du site « Port Saint-Ncolas » !