Méditation fête du Saint-Sacrement – 6 juin 2021
Une alliance nouvelle
C’est ce que Jésus annonce en prenant la coupe de vin : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude ». Et cette alliance est nouvelle et éternelle. Une alliance qui ne pourra plus être rompue, qui sera toujours offerte est inaugurée.
Réalisons-nous que nous ne pourrions pas vivre sans alliance(s) ? Nous avons un besoin vital de relations et donc d’alliances. Robinson sur son île déserte, ce n’est pas un idéal de bonheur, ce n’est pas un idéal humain. Sans les autres, nous ne vivrions pas, mais aussi sans nos sœurs les plantes et nos frères les animaux de toutes sortes, qui nous enchantent et nous nourrissent. Lorsque l’alliance avec l’ensemble de la création est abîmée, c’est l’avenir de l’humanité qui est menacé. Est tout aussi vitale une alliance avec le ciel, avec le mystère de Dieu. Quand nous croyons que le ciel est fermé ou qu’il nous est hostile, nous finissons par penser que la vie est absurde.
L’alliance, c’est la trame de toute la Bible. Tout au long de la semaine de création, Dieu donne, Dieu bénit. Et lorsque les humains cassent cette relation d’alliance, Dieu renoue. C’est l’engagement qu’il prend après la catastrophe du déluge, c’est le signe tellement parlant de l’arc-en-ciel : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre. » (Gn 9, 12.13).
Ce qui abîme l’alliance entre nous, avec la création et avec Dieu, c’est de jalouser, de convoiter et finalement de prendre. C’est bien ce que le serpent distille comme poison à Eve. Et ce poison, il vicie toutes nos relations et donc nos vies. Il promet que nous serons comme des dieux si nous prenons. Mais lorsque nous prenons les autres, nous les manipulons, nous les écrasons et c’est la violence, la mort. Tout sauf la vie et le bonheur. Lorsque nous exploitons la nature, nous finissons par la détruire. Lorsque nous prenons Dieu, nous en faisons une idole au nom de laquelle on cherche alors à imposer son pouvoir, au nom de laquelle on va jusqu’à faire la guerre et tuer.
Le geste de la Cène inaugure une nouvelle alliance, un autre monde. Quand il prend le pain, le vin et surtout son corps et son sang, c’est-à-dire sa vie, Jésus ne se l’accapare pas. Il rend grâce et reconnaît ainsi que tout lui est donné par le Père, même à lui, le Fis unique. Il dit aussi sa confiance que, malgré la violence et la mort, la vie ne manquera pas car la source est inépuisable. Et, dans cette action de grâce et cette confiance en rompant le pain, il donne sa vie, il verse son sang. Ce n’est pas par goût morbide de la souffrance ou du sacrifice, c’est pour partager, et largement, la vie reçue. Communier à ce corps rompu et à cette coupe du sang versé, c’est bien plus que recevoir Jésus dans son cœur, c’est devenir avec lui corps rompu et sang versé. C’est entrer dans un renversement, une conversion, par rapport à la façon dont le monde fonctionne le plus souvent. C’est entrer dans cette nouvelle alliance dans laquelle nous nous reconnaissons enfants du Père, c’est entrer dans l’universelle fraternité qui nous relie aux humains et même à toutes les créatures. C’est entrer, dès maintenant et pour toujours, dans la vie éternelle : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » nous dit Jésus (Jn 6, 54).
Paul Scolas