Méditation 12ème dimanche ordinaire – Année B – 20 juin 2021
Tempête dans un verre d’eau…
On aurait dû s’en douter qu’il se passerait quelque chose, ce soir-là, quand il nous a dit : Allons en terre étrangère !
Toujours aller ailleurs ! Chez des gens qu’on ne connait pas !
Et ça n’a pas tardé. à peine embarqués, nous avons été pris dans un violent tourbillon et les vagues nous ont submergés.
J’entends encore Dieu dire à Job qu’il a retenu la mer avec des portes blindées ! Et lui a mis des langes pour la tenir au sec !!
Eh bien ! Les langes ont percé ! Et Dieu est mort !
Et Jésus ? Il dort ! Bien installé sur un coussin ! Incroyable !
Mais enfin, Maître, réveille-toi ! Tu es là, comme une moule ! Nous allons tous couler !
Au lieu de s’en prendre à la tempête et de lui faire face, au lieu de tenter de redresser la barque et de la vider de son eau, les disciples s’en prennent à Jésus.
Ils ne supportent pas de le voir dormir en un moment pareil.
Mais, ils l’appellent « Maître » ce qui laisserait supposer qu’ils veulent se laisser instruire par lui. Mais pas du tout. Ce sont eux, les disciples, qui réprimandent le Maître et prétendent lui enseigner ce qu’il doit faire ! Le monde à l’envers ! Le grand chaos !
Seul, Jésus, va émerger de ce chaos général :
Il se lève. Il fait face au dérèglement de la nature et à la panique de ses « marins d’eau douce ».
Sa Parole rétablit l’ordre :
– Le vent, Jésus lui remonte les bretelles !
– La mer, il lui dit de la fermer !
À cause de vous, il n’y a plus moyen de vivre en paix !
C’est ainsi que Dieu fit, lorsqu’il créa le ciel et la terre. Il assigna à chacun sa place avec prière de respecter celle des autres.
Mais le plus dur reste à faire. Jésus doit maintenant s’adresser aux voix humaines qui se sont exprimées : celles déprimées de ses compagnons d’embarcation ballottés de bâbord à tribord, en pleine confusion mentale quant à la conduite à adopter.
Pourquoi êtes-vous peureux ? Vous n’avez pas encore foi ?
Jésus ne dit pas : De quoi avez-vous peur ? Comme si la tempête, quelle qu’elle soit, ne devait pas être prise au sérieux.
Jésus ne focalise jamais l’attention vers le danger extérieur. Il ramène l’attention à l’intérieur de soi. C’est en eux que réside le danger.
Le jour où Thomas Pesquet s’est envolé pour la station spatiale internationale, un journaliste a posé la question à un ancien astronaute : De quoi a-t-il le plus peur en ce moment du décollage ?
Et Jean-Loup Chrétien a répondu :
La peur ne peut pas exister. En ce moment il est simplement concentré. Nous sommes formés pour cela, pour faire face à tout ce qui peut arriver. Nous savons les moments où ça va faire mal mais nous sommes concentrés sur notre mission qui doit réussir.
Être peureux est un handicap qui empêche de prendre des risques, de bien évaluer ses limites, de les faire reculer en se mesurant au danger. Être peureux empêche de prendre ses responsabilités et d’exercer sa maîtrise sur les événements.
La réaction des disciples est typique : parce qu’ils fuient leurs responsabilités, ils mouillent les autres –c’est le cas de le dire – ils préfèrent encore se perdre pourvu que ce soit en entraînant tout le monde avec eux.
Être peureux s’oppose ici à « Avoir foi ».
Avoir foi, c’est reconnaître que chacun peut devenir un appui s’il s’ouvre à l’autre ; c’est exercer sa capacité à exorciser la peur sans supprimer le sentiment de ses limites.
Jésus ne reproche pas de n’avoir pas foi en lui. Il oriente vers son Père. Sa foi, il la met en son Père. C’est leur foi en Dieu que Jésus questionne. Et à cette question, les disciples n’ont pas encore répondu. Disons qu’ils sont en chemin…
Ils viennent de découvrir un autre monde. Ils s’aperçoivent qu’ils ne connaissent pas Jésus : le vent et la mer sont aussi son domaine de compétence.
Celui qui dormait n’est pas celui qu’ils imaginaient : un maître indifférent, loin de leurs préoccupations mais au contraire un maître qui compte sur ses disciples et les forme à la prise de responsabilité et surtout à la foi. Un maître qui montre que les limites de l’action humaine peuvent être franchies…
Vous aussi vous avez le pouvoir de commander au vent et à la mer, c’est même pour ça que vous avez été institués : Il en institua douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons.
Le miracle ? C’est que la tempête ne s’est calmée que devant plus fort qu’elle : l’homme qui dormait comme si de rien n’était, au milieu d’une bande de gens aux abois et auxquels Dieu vient infliger une carte rouge pour refus de jouer et prise de risques.
La peur agite. La foi fait bien dormir ! Dieu comble son Bien-Aimé quand il dort. Et, comme disait l’autre : Celui qui ne se repose pas, fatigue les autres !
Seigneur augmente en nous la foi.
Et bien de nos tempêtes nous apparaîtront alors n’être au fond que des tempêtes dans un verre d’eau.
Abbé Michel Diricq